En Cerclant L'abat-jour
Started by serioscal, Sep 10 2006 06:35 AM
9 replies to this topic
#1
Posted 10 September 2006 - 06:35 AM
Mes yeux sont aveugles mais je vois. Je te vois. Si tu étais une personne je te serais gré de décliner ton « identité », et je te dirai qui tu es, comment tu vas, et surtout ---- ce que tu attends le plus, j’imagine ---- pourquoi tu as fait ce que tu as fait. La vérité est que je ne sais pas ce que tu es. Tu ressembles à du sable, à de l’eau, à une belle viande crue, à une peau de roseau, à l’éclair crépitant, au soleil fatal dans le ciel ; or, tu ressembles à tout ce que je ne saisis pas. Mais je te couve d’un amour serein, sans peine aucune, sans imagination sans doute, pour te laisser un espace devant les fins qui nous traversent. Mon but devant toi : te déverser un tapis de lumière, qui soit un nid d’amour, par sa fragilité (par sa fragilité même) ---- t’excuser auprès des peuples que tu portes dans ton ventre, et auxquels tu n’adresseras pas une parole. ---- Ce que je veux : que se grave dans la tête humaine de mes voisins, dont je ne connais pas le langage, l’image d’une lampe qui n’était que douceur et affleurait au sol timidement, pour caresser les pieds, pièces les plus nobles de notre physionomie, de tes invités drôles, fantasques, magnifiques sous le jour dont tu me les montrais. ---- J’attends maintenant que tu fasse l’ombre entière, plus humaine que nous, fragile et suspensive comme la promesse de destruction qui tourne (pas très haut, d’ailleurs, au-dessus de nos têtes) dans notre sillage, jamais effacé entièrement par les idylles qui composent la cellule politique de l’abat-jour.
Je t’étreindrai là où tu t’es éteinte.
Je t’étreindrai là où tu t’es éteinte.
#2
Posted 10 September 2006 - 07:44 AM
Classe ! Ceci
"t’excuser auprès des peuples que tu portes dans ton ventre, et auxquels tu n’adresseras pas une parole."
m'a fait penser à ceci :
Allégorie
C'est une femme belle et de riche encolure,
Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.
Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,
Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.
Elle rit à la Mort et nargue la Débauche,
Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté
De ce corps ferme et droit la rude majesté.
Elle marche en déesse et repose en sultane ;
Elle a dans le plaisir la foi mahométane,
Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
Elle appelle des yeux la race des humains.
Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde
Et pourtant nécessaire à la marche du monde,
Que la beauté du corps est un sublime don
Qui de toute infamie arrache le pardon.
Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,
Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,
Elle regardera la face de la Mort,
Ainsi qu'un nouveau-né, - sans haine et sans remords.
(Charles Baudelaire)
Il y a des pépites dans ce poème. Un bémol : la présentation en un seul bloc ; je crois que tu pourrais tenter des passages à la ligne... Le tout est en tout cas très cohérent, bien construit !
"t’excuser auprès des peuples que tu portes dans ton ventre, et auxquels tu n’adresseras pas une parole."
m'a fait penser à ceci :
Allégorie
C'est une femme belle et de riche encolure,
Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.
Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,
Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.
Elle rit à la Mort et nargue la Débauche,
Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté
De ce corps ferme et droit la rude majesté.
Elle marche en déesse et repose en sultane ;
Elle a dans le plaisir la foi mahométane,
Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
Elle appelle des yeux la race des humains.
Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde
Et pourtant nécessaire à la marche du monde,
Que la beauté du corps est un sublime don
Qui de toute infamie arrache le pardon.
Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,
Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,
Elle regardera la face de la Mort,
Ainsi qu'un nouveau-né, - sans haine et sans remords.
(Charles Baudelaire)
Il y a des pépites dans ce poème. Un bémol : la présentation en un seul bloc ; je crois que tu pourrais tenter des passages à la ligne... Le tout est en tout cas très cohérent, bien construit !
#3
Posted 10 September 2006 - 07:52 AM
Tu as peut-être raison, je ne sais. C'est un peu une lettre aussi, et le flux linéaire de quelqu'un qui s'adresse à un absent.
En fait, je ne vois pas bien où je pourrais faire des coupures. Je te l'envoie ?
En fait, je ne vois pas bien où je pourrais faire des coupures. Je te l'envoie ?
#4
Posted 10 September 2006 - 08:24 AM
Si tu veux...
#5
Posted 10 September 2006 - 08:28 AM
Hé ! Tu remarqueras que je suis toujours prêt à te donner du travail !
#6
Posted 10 September 2006 - 09:22 AM
Paraphrasant Cyrano d'adressant à Roxane ("Notre précieuse était une héroïne")
je dirais : Notre vulgaire était poète
je dirais : Notre vulgaire était poète
#7
Posted 10 September 2006 - 09:44 AM
Citation (serioscal @ Sep 10 2006, 07:35 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Mes yeux sont aveugles mais je vois. Je te vois. Si tu étais une personne je te serais gré de décliner ton « identité », et je te dirai qui tu es, comment tu vas, et surtout ---- ce que tu attends le plus, j’imagine ---- pourquoi tu as fait ce que tu as fait. La vérité est que je ne sais pas ce que tu es. Tu ressembles à du sable, à de l’eau, à une belle viande crue, à une peau de roseau, à l’éclair crépitant, au soleil fatal dans le ciel ; or, tu ressembles à tout ce que je ne saisis pas. Mais je te couve d’un amour serein, sans peine aucune, sans imagination sans doute, pour te laisser un espace devant les fins qui nous traversent. Mon but devant toi : te déverser un tapis de lumière, qui soit un nid d’amour, par sa fragilité (par sa fragilité même) ---- t’excuser auprès des peuples que tu portes dans ton ventre, et auxquels tu n’adresseras pas une parole. ---- Ce que je veux : que se grave dans la tête humaine de mes voisins, dont je ne connais pas le langage, l’image d’une lampe qui n’était que douceur et affleurait au sol timidement, pour caresser les pieds, pièces les plus nobles de notre physionomie, de tes invités drôles, fantasques, magnifiques sous le jour dont tu me les montrais. ---- J’attends maintenant que tu fasse l’ombre entière, plus humaine que nous, fragile et suspensive comme la promesse de destruction qui tourne (pas très haut, d’ailleurs, au-dessus de nos têtes) dans notre sillage, jamais effacé entièrement par les idylles qui composent la cellule politique de l’abat-jour.
Je t’étreindrai là où tu t’es éteinte.
Je t’étreindrai là où tu t’es éteinte.
J'aime beaucoup ton texte. Il m'inspire et ça j'adore. Tu me donnes de la matière. Tu vois ?Comme quoi, il ne faut pas se fier à tes aveuglements passagers.
Bon par contre, en ce qui concernent les aveuglements, il y a de la poussière sur l'abat jour.
Corinne
#8
Posted 10 September 2006 - 04:32 PM
A l'inverse de Socque, je laisserais ton poème sous cette forme
D'ailleurs la ponctuation est là et je trouve la lecture facile, presque magique
J'aime beaucoup les derniers mots
Je t'étreindrai là où tu t'es éteinte
Je t'éteindrai là où tu t'es étreinte
C'est drôle, je les avais d'abord lus ainsi
Bien à toi
D'ailleurs la ponctuation est là et je trouve la lecture facile, presque magique
J'aime beaucoup les derniers mots
Je t'étreindrai là où tu t'es éteinte
Je t'éteindrai là où tu t'es étreinte
C'est drôle, je les avais d'abord lus ainsi
Bien à toi
#9
Posted 11 September 2006 - 11:14 AM
Texte fluide. Mes yeux ont également lu "étreindrais", au lieu d'éteindrais, marrant. Un bel équilibre entre ombres et lumières dans ce texte.
#10
Posted 11 September 2006 - 04:14 PM
"...sous le jour dont tu me les montrais...",
me gêne un peu, mais il ne m'aurait pas gêné, et encore moins fait répondre,
s'il n'était pas inscrit dans un texte, plein de petits détails proches, qu'on croit deviner,
ou de grandes choses moins bien perceptibles, mais que l'on sent là; poétiquement.
Et texte que j'ai aimé relire.
'lut.
me gêne un peu, mais il ne m'aurait pas gêné, et encore moins fait répondre,
s'il n'était pas inscrit dans un texte, plein de petits détails proches, qu'on croit deviner,
ou de grandes choses moins bien perceptibles, mais que l'on sent là; poétiquement.
Et texte que j'ai aimé relire.
'lut.
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